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 Dans la forêt
 

   Je suis arrivé à la maison. Mes parents aussi étaient rentrés avec ma demi-sœur. Entre temps, un demi-frère était aussi né. Mon père voulait organiser une fête à l’occasion de mon retour. Il avait alors deux petites vaches, alors qu’avant la guerre il en avait dix. Et un petit cheval, et avant la guerre, il en avait trois, quatre… Il avait aussi un goret. Le lendemain, c’était dimanche, je suis allé à l’église. J’ai commencé à jeter un œil à Łęczyca. C’était le mois de mai, peut-être la fin juin. Un jour un copain de classe m’a prévenu que le Bureau de la Sécurité me recherchait.

Des sections de l’Armée de l’Intérieur se cachaient encore dans les environs. J’avais un cousin qui en faisait partie, il était lieutenant. Je suis allé le voir en vélo pour lui demander ce qui se passait. Il m’a dit que si le Bureau m’attrapait, c’en était fini pour moi. Ceux du Bureau prouvaient qu’on collaborait avec les Allemands. Voilà à quel point le régime communiste était bête. Ceux qui avaient été déportés en Allemagne pour travailler étaient des ennemis. Combien de personnes ont-ils anéanties ! Je suis rentré à la maison, j’ai pris quelques affaires, je n’ai rien dit à personne, pas même à mon père, et je suis retourné dans la forêt. Deux jours après mon départ, mon père est allé à la milice et a déclaré que son fils était rentré d’Allemagne et qu’il avait disparu. Ils ont emprisonné mon père. Parce que mon nom était sur la liste et que j’avais pris la tangente. Mais il n’est pas resté longtemps en prison. Il avait plus de soixante ans. Je ne l’ai plus revu en vie depuis. Mais ils l’ont relâché après quelques jours. Ils l’ont relâché parce qu’ils n’avaient pas de preuve. Je suis resté dans la forêt tant bien que mal jusqu’en 1946. Une bonne année. Mais ils nous traquaient tant – non plus les Russes, mais les Polonais cette fois –, que le major nous a réuni et a dissous notre section. Il nous a dit de faire attention à nous, pour qu’on s’en sorte sains et saufs. J’avais déjà le grade de sergent à l’époque, je commandais une équipe. J’avais 12 garçons, c’était de bons garçons. Nous avons décidé de retourner en Allemagne. J’avais été en Allemagne, je connaissais bien l’allemand, je connaissais un peu le pays, j’étais quand même rentré à pied de là-bas !