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 Le patriotisme
 

   Plus tard, mon père a tenu une petite affaire avec mon frère. Ensuite, c’était la guerre en 1939, donc mon père est resté avec son frère, et en octobre, me semble-t-il, ils sont partis pour la France, dans l’armée polonaise qui se formait alors en Bretagne. Mon père a reçu une formation qui a duré jusqu’à la campagne française de juin 1940 et il a participé aux batailles en France. Mon oncle aussi, mais il a été blessé et on l’a emmené dans un hôpital allemand. Ensuite, comme il n’a pas voulu signer la volkliste, il a été déporté à Cracovie et a passé toute la guerre à l’hôpital de Cracovie, près de l’église des Jésuites. Mon père, quant à lui, a été fait prisonnier, il a été blessé dans la bataille près de Lagarde. Il disait qu’il avait d’abord atterri à l’hôpital français, mais après trois ou quatre jours, les Allemands sont arrivés. Il est donc d’abord allé dans un camp de prisonniers de guerre en France. J’ai récemment trouvé une liste de Polonais qui y ont été sur Internet. Ensuite, on lui a proposé de signer la volkliste parce qu’il était né en Allemagne. Il a refusé et on l’a alors déporté au stalag de Żagań, au stalag 8C. Ce stalag est connu parce qu’à Żagań se trouvaient principalement des Français, des Belges et des Polonais – les Polonais qui faisaient partie de l’armée polonaise en France. Mon père disait toujours qu’il avait l’impression qu’on les traitait mieux que les Polonais dans les stalags où il n’y avait que des Polonais. Mais plus tard, j’ai entendu dire qu’il y avait également un camp anglais là-bas, pour les aviateurs et pour les Russes, je crois. Mon père y est resté pendant toute la guerre, c’est l’armée soviétique qui l’a libéré. Il a dû rester avec eux un certain temps car ces prisonniers de guerre étaient soi-disant libres, mais devaient rester avec les Russes. Les Russes ramenaient tout le bétail des environs et les Polonais devaient le garder dans une seule grande propriété. Ensuite, je ne saurais dire comment ça s’est passé exactement, mais un major a proposé à mon père de devenir son chauffeur C’est ainsi que mon père a été pendant un certain temps chauffeur d’un major russe, mais quand celui-ci lui a proposé de le suivre et rentrer avec lui en Russie, c’était trop pour mon père et il s’est tout simplement enfui pour aller à Wrocław. Là-bas, il y avait des services de la Croix Rouge, à l’époque déjà polonais. Il leur a dit que son frère était à Cracovie, ils l’ont donc dirigé vers Cracovie. Il a pris son frère et ils sont allés à Prague et de là, ils ont pris l’avion pour Paris, où il a été démobilisé. En juillet 1945 seulement, il me semble, comme l’un des derniers à partir, puisque beaucoup d’hommes sont partis de là pour rejoindre l’armée polonaise. Lui et son frère étaient les derniers à rentrer en 1945. Ensuite mon père a dirigé seul l’entreprise. Son frère était invalide, il ne pouvait donc plus l’aider. Mon père a fini par travailler à la mine à partir de 1949, quand il s’est marié. Il y a travaillé jusqu’à la retraite en 1965 et il a vécu jusqu’en 2009. Il est décédé à l’âge de 94 ans. Toute ma famille habite en Belgique. Pas seulement dans le Limbourg, mais aussi à Liège et ses environs. J’ai aussi un peu de famille en France, à côté de Sienne1, mais il s’agit de la famille du frère de mon grand-père. Eux sont rentrés en Pologne après la guerre. Ils ont beaucoup regretté de l’avoir fait, par la suite. Voici à quoi ressemble, à gros traits, l’histoire de ma famille. Mon père s’est marié avec une Belge et a eu deux enfants.
 
1 Il s’agit probablement de Valenciennes, ce que l’on ne peut clairement entendre sur l’enregistrement.